J'aime les couchers de soleil sur la calme Méditerranée, ce moment où les jaunes, les oranges et les ocres viennent se mélanger aux flots dans le décor violacé des prémices crépusculaires. J'aime te l'écrire comme ça, à l'eau de rose, avec la légerté d'un verbe enrobé de praliné. J'aime quand le style est fin comme une vieille bûche au beurre de ta grand-mère alsacienne. Ce genre de desserts que les grizzlis anémiques s'enfilent avant l'hibernation.

Apologie du cliché en temps d'expertise
Dans une époque où les experts font la loi, tout ce qui est simple est proscrit. On nous invite à ne pas comprendre simplement, à ne pas voir simplement, à ne pas aimer simplement. On nous matraque systématiquement que la situation est plus complexe qu'elle en a l'air, que "ce n'est pas aussi simple".. Et cela qu'on parle d'économie, de politique ou du dernier skeud de leur chanteur préféré. Il faut complexifier l'affaire, se méfier du spontané, brouiller les pistes. Apprendre à ceux qui se questionnent que le monde n'est pas simple et que pour pouvoir le penser il faut maitriser le verbe de l'expert. Complexifier le schéma pour décourager les subversions. Car c'est de cela dont il s'agit : désarçonner les réflexions, court-circuiter les colères, maltraiter les énergies. Faire comprendre inlassablement à l'individu lambda que la réalité le dépasse et qu'il est plus sain de l'abandonner à ceux qui la fabriquent et la commentent.
Le complexe est cool, il serait signe d'intelligence. Dès lors on se préserve du ressenti immédiat, on le ravale. Imagine si ce que tu dis ou penses est trop simple..  La honte. Tu subis les foudres de ceux qui ont les bonnes lunettes et qui utilisent des grilles de lectures. Je ne dis pas qu'avoir du recul est une faille, ni qu'avoir une lecture "élaborée" d'une situation est une trahison personnelle. Ce serait n'importe quoi. 
Je dis simplement que cette complexification systématique du monde entraine une distanciation qui l'est tout autant. Une froideur de rigueur. Or, comme je l'ai déjà blablaté ici et là, on a aussi besoin de la chaleur du sensible pour pouvoir interragir sainement. Pour comprendre, pour "nous mettre à la place de", pour deviner.
Mais dans cette époque d'experts, traqueurs assermentés de la simplicité, il faut sophistiquer, se montrer original à tout prix. 
Et au final se détacher de plus en plus de la spontanéité. 
Apologie du cliché en temps d'expertise
Plus les temps sont rudes et plus l'ultra cynisme est à la mode. Rire systématiquement des pires malheurs, botter en touche. Forme de protection bien connue des sociétés occidentales afin de zapper une réalité qui est inacceptable pour tout être humain équipé d'un coeur et du minimum empathique.. 
Ce cynisme extrême résulte d'une distanciation quotidienne de notre rapport au monde et à l'autre. Une complexification émotionnelle. Le ressenti premier est chassé, disqualifié car considéré comme trop emprunt "d'émotions faciles". Ça nous permet d'oublier pour un temps nos propres abandons. 
Certains experts l'ont bien compris. S'ils vous expliquent quelque chose et que vous le comprenez c'est qu'ils ont raté leur intervention. 
Et tout comme il est plus facile de faire accepter des absurdités économiques, sociales et politiques en tout genre à des gens qui pensent que le monde est trop complexe pour eux, à des individus qui nient eux-même leur pouvoir d'influence et de subversion.. il est également plus simple de les faire accepter à des personnes qui se méfient de leur instinct et de leur ressenti non filtré. 
Cette tendance permet tous les crimes de lèse-solidarité imaginables: le repli individualiste, l'égoïsme, le détachement systématique. 
L'époque couronne le règne de l'insensibilité pragmatique. 
Le beau facile devient honteux, la "bonne action" est doucement moquée, la bonté est pointée comme une faiblesse. On rit des oeuvres (films, tableaux, dessins, livres...) qui ne passent pas par 4 chemins. 
"Oui ça va faut aimer les gens, et la guerre c'est mal, et tout est possible..." rétorquent les rétorqueurs, qui s'empressent d'ajouter vaillamment que "c'est plus compliqué que ça mon petit père!".. 
Apologie du cliché en temps d'expertise
En attendant, cet hiver des hommes et des femmes dormiront dehors et en crèveront parce que d'autres ont décidé de maintenir une pression spéculative sur des logements vides. Et qu'on l'accepte. Parce qu'on s'en branle. Et on s'en branle parce que c'est "plus complexe que ça". Et c'est bien pratique. En 2016, l'Insee évaluait à environ 3 millions le nombre de logements vacants. L'équation me parait pourtant simple. 
Donc il me semble plus qu'urgent de revenir aux fondamentaux. De laisser parler ses émotions, son empathie et son ressenti. 
Et ça commence par kiffer un coucher de soleil. Ouais ouais. Putain c'est tellement simple. Tu choisis ton heure, tu marches pépère avec du son dans les oreilles, tu te poses sur la Corniche et t'attends. Le soleil ne déçoit jamais. Il vient caresser les flots. Et si t'as pas la mer, t'as une rivière, des arbres, une place où courent des mômes à la bourre.. 
J'sais pas si on peut faire plus cliché qu'un coucher de soleil au bord de l'eau. Et pourtant ça marche à chaque fois. C'est pour ça que certains oeuvrent pour qu'on s'en méfie. Ça passe par les yeux et ça te secoue directement le bide. Moi j'peux me faire ça tous les jours, j'm'en lasse pas. Une dose de beauté simple. Ça recharge mon capital empathique.
Oui... je sais que t'as envie de me demander où sont les violons, c'est ton côté complexe. Mais même si j'ai quelques contradictions et quelques chaussures en trop, je peux croiser des miroirs sans vouloir les briser. C'est mon côté Marc Lévy. 
Allez, profite du soleil quand tu peux et reprends de la bûche. 
Apologie du cliché en temps d'expertise
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