Territoire occupé
S’il vous plait, ne nous protégez pas.. ça pourrait mal finir.
La rue était bien plus paisible avant qu’ils débarquent avec leur arsenal et qu’ils annexent le bitume. Curieux et inquiet je demande à un membre de la troupe, un de ceux équipés d’un fusil d’assault semi-automatique HK-G36, la raison de leur présence en masse alors que je ne constate aucune menace à proximité.
Il me répond mécaniquement : « Manifestations d’extrême gauche ».
Hummm..? Je suis perplexe. Je ne vois aucun péril gauchiste immédiat. Je décide donc de faire un tour par derrière, voir ce qui se passe sur la Plaine, territoire occupé, emmuré et bientôt gentrifié, selon les plans sans accrocs de Marseille Habitat (Soleam). J’y découvre une trentaine de personnes, dont pas mal d’enfants, armés de bancs et de tables, de sandwiches et de petits plats locaux. Ils se sont organisés un petit repas dominical peinards, au soleil, pour faire vivre le quartier et entretenir la solidarité. Car, avant d’être un territoire lissé et épuré, la Plaine, est un lieu de convivialité et d’échange, de mélange. Ce qui n’est pas dans l’air du temps. On préfère la froideur d’un café connecté, oreillettes et milkshake disruptif. Bref, je me rends compte que la centaine de soldats surarmés qui occupent ma rue ne sont ici que pour le danger potentiel que pourrait représenter une trentaine d’habitants qui partagent un repas. Et qu’un pique-nique solidaire sur la Plaine, lieu de résistance, et cristalisant donc toutes les méfiances, est désigné comme "une manifestation d’extrême gauche". Et que par conséquent, il nécessite un encadrement policier massif. Nous en sommes là.
Police à outrance, outrancière police. Surveillance des populations à risque. Tout cela n’est pas le fruit du hasard mais résulte de directives politiques claires et précises. Cette démesure policière, le décalage entre l’arsenal déployé et le motif de son déploiement ne sont pas une erreur, mais une volonté. Traquer, fliquer, faire peur à ceux qui ne marchent pas droit. Mais derrière les casques et les gaz, les masques et les matraques, on ne s’y trompe pas. Et Macron, on te voit.